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Cynthia Sardou : écrire la réconciliation

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Il est des articles plus difficiles que d’autres à écrire. Lorsque j’ai échangé avec Cynthia Sardou, je ne savais pas encore à quel point j’aurais du mal à poser sur papier ces mots qui, d’ordinaire, coulent assez aisément. J’étais perplexe… Bien sûr j’avais lu son livre, mais rien ne me préparait à cette rencontre riche en émotions.

Cynthia-Sardou-entrevue-aElle est la fille d’un homme dont j’ai chanté les chansons lorsque j’étais petite fille. Elle est la petite-fille d’une femme qui m’a fait rire au cinéma et au théâtre. Elle est une femme comme j’en rencontre sans doute des dizaines chaque année. Une femme dont la vie a basculé une nuit de Noël. Une femme qui a subi un viol. Une femme pour qui la vie est devenue tout sauf facile…

Pourtant, lorsque j’écoute Cynthia Sardou, j’ai l’impression que tout espoir est permis. « C’est exactement le message que je veux faire passer avec mon livre », me dit-elle. Son livre, c’est Une vie à reconstruire, 251 pages de témoignage, 251 pages de franchise, 251 pages de partage. « Mon objectif avec ce livre, c’est d’aider les gens. Et pour le moment, les retours que je reçois des personnes qui l’ont lu, c’est que cela leur fait beaucoup de bien ». L’histoire de Cynthia Sardou est malheureusement celle de milliers de femmes de par le monde chaque année : subir un viol. « Il faut que tu parviennes à ne pas avoir honte d’avoir été violée », me dit-elle sans le moindre tremblement dans la voix. « Il faut que tu parviennes à retrouver un équilibre de vie. Dans mon cas, c’est passé par une réelle remise en question, l’apprentissage des arts martiaux, un coaching, une psychothérapie… J’ai eu besoin de libérer ma colère de multiples façons. Mais j’ai aussi eu besoin d’apprendre à me recentrer sur moi-même, à méditer ».

Des années plus tard, Cynthia Sardou reconnaît qu’elle n’est plus la même femme. « J’ai changé, ma personnalité a changé. Il a fallu que j’accepte cela. Cet événement m’a poussée à ne pas devenir la journaliste que je souhaitais être. Mon histoire personnelle aurait certainement été différente sans ce viol. Mais voilà. Aujourd’hui, j’ai pardonné à la vie et je me suis pardonnée aussi. Avec Une vie à reconstruire, j’ai tourné une nouvelle page. Avec Appelez-moi Li Lou, j’avais ressenti une forme de bien-être thérapeutique dans l’écriture. Pour ce deuxième livre, je me situe beaucoup plus dans la proposition de pistes concrètes. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait appel à certaines personnes pour réfléchir et écrire avec moi, dont J.C. Bataille ».

Bien évidemment, écrire sur un événement aussi traumatisant qu’un viol est toujours difficile, mais cette fois, la prise de recul a visiblement été plus facile. « Je me rends compte de tout le chemin que j’ai parcouru. Le passage sur la résilience par exemple m’a fait beaucoup de bien. J’étais là dans ma vie. C’est comme un cadeau que je veux offrir aux gens, sans prétention médicale. Juste mon histoire… ». Si Cynthia Sardou a réussi à avancer, c’est non seulement grâce au chemin qu’elle a décidé de parcourir, mais aussi à sa famille. « Mes parents, ma famille et mon conjoint m’ont soutenue dans ma réconciliation avec la vie et dans l’écriture des deux ouvrages. C’est important pour moi de les avoir à mes côtés, même si j’habite loin de certains d’entre eux aujourd’hui ».

En effet, Cynthia Sardou a traversé l’océan pour venir s’établir au Québec. « Je me sens bien ici. J’aime la culture, les gens sont accueillants, j’ai envie de rester », dit celle qui allait passer un entretien d’embauche quelques heures après notre rencontre. « J’ai rencontré des gens comme ma relationniste de presse à Sherbrooke, Gaëtane Roy, qui m’ont fait découvrir un autre monde, un monde dans lequel je me sens bien. J’espère que toutes les personnes qui vivent un traumatisme comme le mien auront la chance de vivre une reconstruction comme la mienne. Je crois sincèrement que tout est possible… même les miracles ».

Il aura fallu plus de dix ans à Cynthia Sardou pour parler ouvertement de son viol. Ce qui semble encore aujourd’hui être un tabou, l’a empêchée d’avancer. « Mais je suis convaincue que c’est dans les moments les plus sombres que l’on finit par trouver la lumière. J’y crois. Se renfermer sur soi-même est parfois le meilleur moyen de sortir de soi. Tout ce que j’espère, c’est que ce livre va permettre aux femmes et aux hommes qui le liront de ne pas prendre autant de temps que moi pour se réconcilier avec la vie ».

En laissant partir Cynthia Sardou, j’ai compris que ces lignes ne seraient pas faciles à écrire, que chaque mot allait avoir un poids énorme. En lisant son livre, j’ai compris que les personnes que je connais qui ont subi un viol doivent se réconcilier avec elles-mêmes et non pas (simplement) guérir. J’ai compris que la vie méritait d’être vécue envers et contre tout. Merci Cynthia de m’avoir un peu ouvert les yeux…

Entrevue réalisée par : Christelle Lison
Crédit photo : Patrick Lemay


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